Yoann Stuck : « Je me suis rendu compte avec le temps que j’acceptais volontiers l’effort. Peut-être plus que la norme »
Vendredi 4 avril dernier est sorti en librairie le livre de Yoann Stuck, « Une vie en équilibre ». Marathons.com a eu la chance de rencontrer le gaillard souriant pour évoquer cet évènement… Revigorant comme son histoire.
Yoann Stuck est arrivé comme un ovni au haut niveau de la course à pied, après s’être mis au sport pour « arrêter la clope« . On exagère à peine. Son histoire, fascinante et rare, le lyonnais d’adoption a eu besoin de la raconter dans un livre (aux éditions Vagnon) disponible depuis peu en kiosque. Il revient sur son enfance, ses blessures, ses amours… et sur son ascension rapide dans le monde du running, que ce soit en trail ou sur route. Son dernier exploit en date : 2h20 pour son premier marathon, à Florence, où il termine 8ème… Vous avez des rêves qui vous paraissent impossibles à atteindre ? Alors lisez « Une vie en équilibre » et on en reparle.
| Yoann, ton livre est sorti depuis une semaine. Tu as eu quelques retours déjà ?
Je suis très content. J’ai de plus en plus de retours sur le livre et c’est très positif. Les gens semblent apprécier, en être inspirés, avoir envie de le partager et ça, ça me fait très plaisir. Le but de ce livre c’est de transmettre. Avant de me mettre à la course à pied, je vivais au jour le jour, je ne pensais qu’à faire la fête. On dit parfois que c’est bien de vivre le moment présent, mais je ne le vivais pas au fond. J’étais dépassé par le temps. C’est toujours un enjeu aujourd’hui mais je le subis beaucoup moins ! J’aime cette vie pro-active, où je suis en dynamique dans tous les domaines, la famille, la course, le travail… La « vie en équilibre », c’est celle-ci je crois. Donc oui je suis content des premiers retours. On m’a dit que ça se lisait bien.
| Comment est né ce livre ?
Il y a quelques années je me suis lancé sur les réseaux sociaux parce qu’autour de moi on m’encourageait à raconter mon histoire. Moi je ne la trouvais pas si atypique que ça, l’histoire du mec qui se met au sport pour arrêter de fumer ou perdre du poids, mais j’ai fini par accepter que celle du mec qui performe aussi vite et qui construit de beaux projets sportifs, c’est un peu plus rare… Finir le Marathon des Sables l’année dernière (2024) cinquième au général va dans ce sens. Quand je me suis lancé sur les réseaux sociaux j’ai peut-être été maladroit parfois, mais j’essaye de mieux faire. Comme pour la course, je fais tout en autodidacte alors forcément on fait des erreurs. L’important c’est d’apprendre. Faire ce livre, c’est passer du virtuel des réseaux au réel. Si aujourd’hui les gens peuvent se passer le livre parce qu’il aura été inspirant, c’est super ! Et il y a aussi la volonté de partager certaines choses plus personnelles de ma vie, pour peut-être permettre à certains de me comprendre un peu mieux. J’ai mis de l’intime dans ce livre, j’en avais besoin. Sur les réseaux c’est plus compliqué de se livrer.
« Moi je ne la trouvais pas si atypique que ça, l’histoire du mec qui se met au sport pour arrêter de fumer ou perdre du poids, mais j’ai fini par accepter que celle du mec qui performe aussi vite et qui construit de beaux projets sportifs, c’est un peu plus rare »
Yohann Stuck
| Comment Cécile Bertin a pu collaborer avec toi sur l’écriture, qui est toujours en vadrouille ?
(sourire) On a optimisé ! L’été je prends toujours un congé sans solde et on se pose à La Plagne en famille. J’ai un peu plus de temps à ce moment là entre les entrainements. On a beaucoup échangé par téléphone. Elle retranscrivait en chapitres que je reprenais derrière. La deuxième phase du travail, pour organiser véritablement le livre, on l’a fait sur la deuxième moitié d’année. Quand j’avais un peu de temps libre…
| Tu es très honnête dans ce livre vis-à-vis de certaines addictions…
Cela a été un vrai exutoire d’écrire ce livre. Relire le livre m’a même remis en face de certaines réalités. Je ressens aujourd’hui avec l’alcool les mêmes choses que quand j’ai arrêté de fumer. C’est peut-être un peu fort de dire que les planètes sont alignées aujourd’hui mais je ressens ce flow en moi qui était apparu à l’époque. Maintenant il y a un travail à faire derrière. Cette addiction est beaucoup plus complexe que celle de la cigarette…
| Retour au sport. As-tu conscience d’avoir un corps incroyable ?
Oui oui, je m’en suis rendu compte assez vite, sur les prédispositions que j’avais. Quand j’ai commencé à courir, en deux mois j’ai atteint les 45 minutes sur 10 kilomètres. J’étais pourtant en surpoids, j’avais tout l’héritage de cette vie passée, j’ai commencé au mois d’août dans le sud de la France, il faisait chaud, pas vraiment le plus facile… Mais j’ai vu aussi assez vite que j’encaissais vraiment bien les charges de travail. Je progresse. A 42 ans j’ai fait un joli temps à Florence (ndlr, 2h20), premier marathon pour lequel j’avais fait une vrai préparation.
| Tu évoques beaucoup la vitesse dans le livre, ton plaisir, mais aussi la résistance, l’amour de l’effort…
Je me suis rendu compte aussi avec le temps que j’acceptais volontiers l’effort. Peut-être plus que la norme. J’écoute beaucoup les gens au magasin de sport où je travaille. Et je note quelques différences.
| Ce côté stakhanoviste, c’est ta maman qui te l’a offert ?
J’ai très peu connu mon père, qui s’est séparé de ma maman quand j’avais 3-4 ans. Je n’ai pas de bons souvenirs de mon papa, qui était alcoolique. Ma mère m’a élevé seule, elle travaillait de nuit dans un hôpital psychiatrique pour être payée un peu plus, elle a fait construire une maison toute seule… Elle me répétait aussi de travailler à l’école pour avoir plus de chance qu’elle professionnellement. Elle m’a transmis des valeurs de travail et de sacrifice. J’ai ensuite voyager entre ma grand mère et ma mère. J’ai appris à me débrouiller assez jeune. J’en parle beaucoup dans le livre. Travailler et accepter la douleur qui va avec, cela ne me dérange pas. Au contraire. Le dimanche que je suis dans le canapé à regarder les classiques de vélo, j’ai envie d’aller courir. Je ne pense pas être hyperactif, mais j’aime être actif (sourire)… Cela me stimule. L’équilibre est important et Estelle ma compagne m’aide beaucoup en ce sens, pour l’organisation notamment.
| Tu viens de la culture trail mais tu sembles être tombé amoureux du marathon. Peux-tu nous en dire un peu plus ?
Il y a pleins de raisons à ça. Déjà j’aime la préparation que le marathon requiert. Je pensais que ça serait beaucoup plus ennuyeux. Je m’amuse beaucoup ! Même si je passe toujours aux mêmes endroits à l’entraînement, je ne me lasse pas. J’aime le changement d’allure qui me sort de ma zone de confort. J’ai vraiment apprécié, au sortir de l’été et de la CCC, préparer ce marathon de Florence. J’aime la vitesse, enchaîner les kilomètres… C’est grisant ! La préparation pour Londres a été un peu plus compliquée car j’ai travaillé sur d’autres tempos, aller encore plus vite. On verra ce que ça donne. En sachant que je dois gérer mes 40 heures de travail par semaine. J’ai la chance d’avoir la douche au travail. Du coup je cours pour y aller et pour revenir ! On maximise. J’écoute des podcasts d’histoire, j’adore ça pendant mes sorties d’entrainement. Que ce soit pour Florence ou Londres, je me suis régalé. Et pour aller plus loin en revenant à la question, comme j’aime les trails roulants, le marathon me permet de travailler aussi dans cette optique.
| Comment fait l’instinctif que tu es pour te fixer des objectifs à long terme ?
(rire) Tu as dû lire la préface d’Adrien Séguret… C’est dur parfois pour lui. Mais je suis devenu vraiment plus sage là-dessus ! De novembre à avril, je vais plutôt être sur des cross et de la route, voir des trails courts pour garder cet esprit de vitesse. Puis ensuite je vais viser des courses comme les XTerra Trails, la MCC… Et comme je fais beaucoup de volume, j’aimerais continuer sur les courses à étapes. J’adore. On retrouve cet esprit humain. Le Marathon des Sables a validé tout ce que j’ai fais avant et je veux continuer sur cette lignée.
| Quel sera ton objectif sur la ligne de départ du Marathon de Londres, le 27 avril prochain ?
Pour moi l’objectif sera rempli si je passe sous les 2h20. Si je fais 2h19’59 je suis content ! Ça ferait 20 secondes de moins qu’à Florence, ça correspond à une demi-seconde au kilomètre… ça me va ! Ça sera mission accomplie. J’espère avoir plus de sagesse que sur la seconde CCC… Si il y a quelques secondes en moi ce sera que du bonus. Et en plus on y va en famille donc ça va être trop cool.
✔ Vous pouvez vous procurer le livre de Yoann Stuck : « La vie en équilibre », aux éditions Vagnon.