Avez-vous déjà rencontré le gouverneur central ?

17/12/2024 12:07

Dans le peloton nous entendons régulièrement parler d’un certain Gouverneur. S’agit-il d’un coureur ? D’un professeur mystérieux ? Partons ensemble enquêter, au milieu de nos multiples foulées.

Le modèle du Gouverneur central

C’est à nouveau survenu il y a quelques semaines… Au départ d’une course fameuse se courant entre Saint-Étienne et Lyon, un chuchotement entre des coureurs reconnus nous arrive aux oreilles. Au gré de cette discussion entre initiés, une formule revient : « gouverneur central »… Une formule qui serait magique pour abattre des records. Ni une ni deux, avant que le départ de la course ne soit donné, nous interrogeons les sources disponibles. Les infos remontent vite. Le gouverneur a bien son rôle durant la course, mais serait surtout un personnage utile à l’entraînement.

On s’explique : le modèle du gouverneur central est le nom d’une théorie lancée en 1997 par le scientifique sud-africain Timothy Noakes, à la fois reconnu et contesté. Qu’affirme cet universitaire ? Dans la lignée des travaux du Prix Nobel de médecine (1922) Archibald Hill qui avait proposé que le cœur était protégé par le cerveau, Noakes propose l’hypothèse suivante : le système nerveux régulerait l’effort en état de fatigue, notre cerveau limitant nos capacités à pousser au-delà de la fatigue perçue, pour assurer notre survie. Selon lui, le cerveau (aka le gouverneur) a un rôle en tant que régulateur de l’effort et par conséquent, la fatigue ne serait pas un simple événement physiologique mais aussi une sensation utile pour protéger l’organisme. C’est un modèle qui repousse ce qui est admis scientifiquement, à savoir que la fatigue proviendrait de limites cardiaques, le cœur ne parvenant plus à assurer aux muscles les conditions suffisantes pour poursuivre les efforts à niveau de puissance équivalente. La sensation de fatigue émanerait de cette limite touchée. Dans la théorie du gouverneur central, la fatigue est un outil du corps pour nous faire ralentir. Le cerveau analyserait différentes données d’ordre périphériques (fatigue musculaire, température corporelle, oxygénation, douleurs, blessures…) mais aussi certaines d’origine psychologiques (expérience sur la distance, performance attendue, confiance…). Dans les arguments mis en avant par le docteur “gouverneur”, il y a ce moment où le coureur retrouve des forces (dans le dernier kilomètre par exemple) alors que son corps était complètement à l’arrêt quelques kilomètres auparavant.

Là où commence le marathon, c’est après 30 kilomètres. C’est là que vous ressentez de la douleur partout dans votre corps. Les muscles sont vraiment endoloris, et seuls les athlètes les plus préparés et bien organisés vont bien s’en sortir après cela.

Eliud Kipchoge

Noakes, de la pratique à la théorie

Timothy Noakes

Timothy Noakes, chercheur et professeur à l’Université de Cap Town (Afrique du Sud), a expérimenté le sujet. Et pas qu’un peu ! Ce scientifique amoureux de course à pied et de sport en général (il a également écrit sur le vélo, le rugby…) a participé à plus de 70 marathons et ultra marathons, qui lui ont servi sans doute de base d’expériences. On ne peut pas lui reprocher son manque de passion sur le sujet ! Ses travaux ont été salués et contribuent à faire avancer la recherche. Il en parle dans ses nombreux livres sur la course à pied. Le docteur a également publié sur la nutrition et la diététique, mais ses prises de positions sur ces sujets ont été largement critiquées par la communauté scientifique. Nous ne rentrerons pas ici dans le sujet mais ces controverses incitent à la prudence pour mettre en pratique les conseils de Timothy Noakes. Car vous l’aurez compris, cette théorie du gouverneur central fait jaser dans les pelotons car c’est la possibilité pour le coureur d’expérimenter, de toucher, et peut-être de dépasser cette fameuse zone de confort dans laquelle on se sent bien. Il peut y avoir un côté apprenti sorcier à ne pas “écouter” son corps, mais tout amateur peut aussi comprendre le sens de cette recherche. A vous d’élaborer une relation particulière à votre gouverneur.

Un modèle à adapter à chacun

Nous ne sommes pas des Iron Man au sens propre du terme. Nos corps ne sont pas en acier, nous devons composer avec l’extraordinaire complexité de nos organismes, leurs fragilités et leurs possibilités. Bien sûr, l’idée du gouverneur peut être d’aller gentiment chercher ses limites… dans la limite du possible, du raisonnable. Ce qui vaut pour un sportif professionnel ne vaut pas pour un amateur qui court une fois par semaine. Le sportif amateur peut s’inspirer de cette théorie pour repousser ses limites, mais chacun doit dialoguer avec son corps de manière singulière et respectueuse. Car une zone de confort est quelque chose de subjectif, tout comme le concept de dépassement. Et il y a peut-être ici un paradoxe touché dans la théorie du gouverneur : vont tenter “d’ignorer” leur corps ceux qui le connaissent déjà excellemment bien… Cette théorie est d’abord valable pour les champions, ceux qui ont décidé d’expérimenter toutes les méthodes pour aller chercher quelques minutes, quelques secondes. On peut s’en inspirer. Dans un premier temps, sans prendre de risque, vous pouvez travailler à améliorer votre rythme de course, en travaillant vos parcours et les chronos de sorte à ce que votre cerveau ne vous “bloque” pas sur un rythme particulier. En effet, selon le modèle de Noakes, celui-ci coordonne votre rythme en fonction des capacités “jugées” par le gouverneur. Visez un meilleur temps sur un parcours que vous connaissez, visualisez cette capacité, et peut être que semaine après semaine vous élargissez votre zone de confort. Des séances de fractionné peuvent vous aider à repousser vos limites. L’entraînement sera plus douloureux, mais la course plus facile.

Mais si vous ressentez des éléments qui vous témoignent de votre fatigue ou d’un risque de blessure, alors écoutez votre corps et prenez en soin.

Il sera toujours temps de reparler avec le gouverneur central le moment venu…

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