Les marathons séduisent de plus en plus les Milléniaux et la Génération Z : décryptage d’une tendance
Ils ont grandi avec YouTube, Insta et les applis de livraison, mais voilà qu’ils se lèvent à 6h du mat’ pour courir 42 km sous la pluie. Les millennials et la « Gen Z » ont trouvé un nouveau terrain d’expression (et de transpiration) : le marathon. Effort extrême, storytelling perso, look technique et dépassement de soi à la clé… qui a dit que cette génération n’allait jamais au bout des choses ?
Autrefois chasse gardée des quinquas en quête de dépassement tardif, le marathon attire désormais une foule plus jeune, plus stylée, plus connectée – bref, plus « 2025 ». Millennials (nés après 1981) et Génération Z, « nés avec un smartphone dans la main », se ruent sur les dossards comme pour se défouler à Coachella, avec autant de passion que de playlists Spotify pour accompagner leurs périples matinaux. Derrière cette tendance, il y a bien plus qu’un effet de mode : c’est un vrai mouvement, entre recherche de sens, culture de l’effort et quête de dopamine. On vous embarque pour un tour d’horizon.
| Une jeunesse qui court pour de vrai (et ça se voit dans les chiffres)
C’est peut-être ce qui surprend le plus : le marathon attire désormais massivement les 20-34 ans. Depuis 2021, la part des finishers de cette tranche d’âge a augmenté de 5 % à 8 %, démontrant un intérêt croissant pour les courses de longue distance parmi les plus jeunes adultes. « Autour de moi, on est de plus en plus à courir, note Jade, 28 ans et cheffe de projet digital à Nantes. Avant, j’associais le marathon aux darons un peu zinzins, mais aujourd’hui, c’est vraiment devenu un truc de notre génération. » À Paris, Londres ou Chicago, les données de participation montrent que cette tranche d’âge est en nette progression, aussi bien chez les débutants que chez les réguliers. « On s’organise entre potes pour les sorties longues, on se motive sur Strava, et on se retrouve sur les courses, poursuit Jade. C’est pas juste une perf, c’est un vrai moment de kiff, un peu comme un festival… mais avec des barres de céréales ».
Il y a encore dix ans, les lignes de départ étaient majoritairement peuplées de quarantenaires bien rodés, on retrouve désormais des visages plus jeunes, des tenues plus tendance et un état d’esprit plus communautaire. Et attention, on ne parle pas que de “faire un marathon une fois dans sa vie”. Beaucoup de jeunes runners enchaînent les épreuves, partagent leur progression sur les réseaux, et s’investissent dans une vraie routine d’entraînement. C’est devenu un lifestyle, pas juste un objectif. Et ça, c’est nouveau.
« Le marathon, pour moi, c’est comme une mini-épopée. Je poste mes galères, mes progrès, mes coups de mou… et à la fin, j’ai une histoire complète à raconter. »
Théo, marathonien dans l’âme
| Le défi perso version 2.0 : courir, c’est se raconter
Courir un marathon, c’est dur. Et c’est justement ça qui plaît. À l’heure où tout est filtré, lissé et optimisé, courir plus de 42 kilomètres reste un truc brut, sincère et sans triche. Il faut se lever tôt, sortir quand il pleut, affronter les murs physiques et mentaux. C’est un effort réel, tangible, et dans un monde de plus en plus virtuel, une vraie portée se dégage de cette démarche. « Ce que j’adore dans la course, c’est que c’est un défi ultra personnel, nous souffle Théo, un graphiste en freelance à Lyon et runner du dimanche qui vient de souffler ses 23 bougies. Tu ne peux pas tricher. Il n’y a pas de filtre, pas d’algorithme. Juste toi, tes jambes et ton mental. Et ça, c’est rare dans nos vies hyper connectées. Le marathon, pour moi, c’est comme une mini-épopée. Je poste mes galères, mes progrès, mes coups de mou… et à la fin, j’ai une histoire complète à raconter ».
Ce qui séduit aussi, c’est le récit que cela permet de construire. S’inscrire, s’entraîner, galérer, progresser, finir (ou pas) : tout ça forme une aventure personnelle. Et cette aventure, la « Gen Z » sait la raconter. En stories, en threads, en Réels sur les réseaux sociaux dont ils connaissent les codes mieux que personne. Le marathon devient une matière narrative, un arc dramatique qui colle parfaitement à notre époque obsédée par le storytelling personnel. Voilà une super excuse pour poster des selfies en chaussettes de compression.
| Le marathon comme méditation active
Paradoxalement, si les jeunes courent de plus en plus, c’est aussi pour ralentir. « Quand je cours, je décroche vraiment, affiche une nouvelle fois Théo. C’est mon moment à moi. Je coupe les notifs, je mets un son tranquille ou rien du tout, et je me reconnecte à ce que je ressens. C’est presque méditatif. Et c’est pour ça que j’ai eu envie de courir un marathon : pour aller au bout de cette sensation de déconnexion totale. C’est pas juste du sport, c’est une vraie pause mentale. » Et courir un semi ou un marathon, c’est se poser dans un monde qui bouge trop vite. C’est une pause mentale, un moment pour soi, un sas de déconnexion. On parle de plus en plus de « méditation active », et c’est exactement ce que représente la course longue.
Tu mets un pied devant l’autre, tu respires, tu écoutes ton corps. Tu n’es plus dans la notification, tu es dans la sensation. Et ce recentrage sur soi, cette reconnexion au présent, colle parfaitement aux aspirations actuelles de bien-être, de pleine conscience, d’équilibre intérieur. Dans ce cadre-là, le marathon devient une forme de développement personnel, une thérapie silencieuse, parfois douloureuse, mais toujours enrichissante. Mieux qu’un rendez-vous chez le psy, selon certains.
« C’est ça qui est ouf avec le marathon : t’as beau avoir des moyens différents, sur la ligne de départ, on est tous à poil pareil. »
Romain, amateur de trail
| Un sport (encore) accessible, même avec des Vaporfly à 300 €
Soyons honnêtes : oui, certains équipements coûtent une blinde. Et oui, tu peux exploser ton budget sur une paire de chaussures à plaque carbone, une montre Garmin dernier cri et des barres protéinées goût cookie-dattes-lin. Mais à la base, le marathon reste un sport démocratique. Tu peux courir partout, à n’importe quelle heure, avec peu de moyens. Une paire de baskets, un short, un vieux t-shirt et c’est parti. « J’ai commencé à courir avec des baskets pourries et un short de foot, assure Romain, trentenaire et grand amateur de longues sorties. Au début, je me disais : faut investir, faut avoir une montre GPS, une appli, une ceinture cardio… mais en fait non. L’essentiel, c’est juste de courir. C’est ça qui est ouf avec le marathon : t’as beau avoir des moyens différents, sur la ligne de départ, on est tous à poil pareil ».
C’est aussi ça qui plaît à la « Gen Z » : un sport simple, sans barrière d’entrée, mais où tu peux monter en gamme si tu veux. Tu fais selon tes moyens, ton style, ton envie. Et puis, soyons clairs : le dossard, c’est ton billet d’entrée dans une aventure qui dépasse l’argent. Quand tu es sur la ligne de départ, tout le monde est à égalité. Ce n’est plus une question de look, mais d’engagement.
| Running crew, cafés post-sortie et nouvelles sociabilités
L’autre truc qui attire les jeunes ? L’effet crew. Courir n’est plus une activité solitaire. Dans les grandes villes, les collectifs de running poussent comme des coffee shops bio. Dans d’autres clubs parisiens comme le Circle Running Club ou le Reussette Running Club en passant par le Food Runners Club qui réunit des aficionados de la course à pied et des bons gueuletons, on y trouve également des coureurs qui partagent les mêmes valeurs, la même vibe.
« Je cours rarement seule, témoigne encore Jade. Avec mon crew du dimanche matin, on a nos rituels : départ 9h, café après, photos moches mais fières. C’est plus qu’un sport, c’est notre moment de la semaine. On a tous des niveaux différents, mais on se tire vers le haut. Le marathon, c’était presque la suite logique : une aventure collective avec une énergie de ouf. » Car oui, ces Clubs donnent envie de courir ensemble, se motiver comme jamais, à progresser comme tu ne l’aurais jamais imaginé, et bien sûr, à vivre des moments uniques, parfois même plus forts qu’un apéro du vendredi. Cette nouvelle sociabilité par le sport, moins arrosée mais tout aussi intense, séduit une génération en quête de liens vrais. Les runners post-2000 aiment le collectif, le sentiment d’appartenance, sans tomber dans l’élitisme ou la compétition à outrance. Et ça change tout : tu n’es plus seul à t’entraîner, tu fais partie d’une dynamique.
| Le marathon, nouvelle vitrine de style et d’identité
Et ne sous-estimons pas la force du style. Le running est devenu cool. Les marques de sport l’ont bien compris : elles créent des gammes esthétiques, des campagnes léchées, des ambiances streetwear-techwear qui parlent aux jeunes générations. Et ça fonctionne. Porter une tenue de running, aujourd’hui, c’est presque une déclaration d’intention. Tu montres que tu prends soin de toi, que tu vis dans ton époque, que tu es actif, stylé, et peut-être un peu obsessionnel avec ton Strava. Bref : le marathon est devenu un marqueur d’identité, presque une tribu à lui tout seul.
Courir un marathon à 25 ou 30 ans n’est donc plus une exception. C’est devenu, pour certains, un rite de passage. Pour d’autres, une habitude. Pour tous, un choix fort dans un monde qui pousse à zapper, accélérer, surconsommer. Alors oui, ça pique les jambes. Oui, on se demande à quoi on pense après le 30e kilomètre. Mais c’est peut-être ça, justement, qui plaît tant à cette génération : aller au bout, dans un monde où tout pousse à rester à la surface.