Marathon en fauteuil roulant : deux hommes, une quête
Dans les années 70-80, il n’y avait pas de place dans les courses pour les sportifs en fauteuil roulant. L’époque ne prêtait pas encore à l’inclusion, désirée aujourd’hui. Mais deux hommes ont marqué leur temps et les esprits en n’écoutant que leur coeur. Bob Hall et Claude Issorat ont ouvert la voie en prenant le départ d’un marathon en fauteuil…
| Bob Hall s’offre une première à Boston

Boston, avril 1975. La foule est au rendez-vous pour encourager les milliers de coureurs prêts à affronter les 42,195 km du mythique marathon. Les spectateurs vont avoir une surprise de taille ce jour-là. Parmi les participants se trouve un homme en fauteuil roulant, déterminé à prouver que la course n’est pas réservée aux seuls coureurs valides. Son nom ? Bob Hall, depuis rentré dans la postérité. Bob n’est pas un inconnu dans le monde du sport adapté. Né en 1951, il a déjà fait ses preuves dans des courses locales, mais Boston est une autre histoire. À l’époque, les organisateurs du marathon sont sceptiques, à l’image de la société qui les entoure. Un fauteuil roulant sur le parcours ? Impensable. Pourtant, Bob a insisté, promettant à ces mêmes organisateurs de terminer la course en moins de trois heures.
Le jour de la course, sous un ciel printanier, Bob s’élance. Son fauteuil, qu’il a conçu lui-même, est loin des modèles performants d’aujourd’hui. C’est un engin robuste, presque rudimentaire, mais Bob en maîtrise chaque centimètre. Charmés par son courage, son abnégation et son sourire, les spectateurs l’encouragent bientôt à chaque tour de roue. Les collines de Newton, redoutées par tous les marathoniens, ne l’arrêtent pas. À l’arrivée, il franchit la ligne en 2 heures et 58 minutes, devenant ainsi le premier athlète en fauteuil roulant à terminer officiellement le Boston Marathon. Il a 24 ans au moment de cette course et il ouvre la voie à la reconnaissance des marathoniens en fauteuil. En 1977, il bat son record (2h40) et inspire un départ séparé pour les athlètes handisport, une tradition toujours en vigueur. En 1978, il fonde Hall’s Wheels, créant des fauteuils sur mesure plus légers et performants, révolutionnant le sport. Son héritage perdure aujourd’hui, et il continue d’être une source d’inspiration pour les athlètes handisport du monde entier. Ses fauteuils sont d’ailleurs devenus des objets mythiques. On retrouve ainsi au MoMA, le célèbre musée d’art moderne de New-York, un fauteuil conçu par Bob Hall en 1986 (photo ci-dessous). Un symbole loin d’être anodin.

L’ exploit de Bob Hall n’était pas qu’une victoire personnelle. C’était un message fort adressé au monde du sport : les athlètes en situation de handicap méritent leur place sur la ligne de départ. Grâce à Bob, les marathons ont commencé à inclure des catégories pour les fauteuils roulants, ouvrant la voie à des légendes comme Jean Driscoll et Tatyana McFadden. Il ne s’est évidemment pas arrêté à cet achèvement de Boston. Ingénieur de formation, il a contribué à révolutionner la conception des fauteuils roulants de course, offrant aux athlètes un équipement plus léger, plus rapide et plus maniable. Bob Hall reste une icône respectée dans le monde du sport adapté, un pionnier dont l’héritage continue d’inspirer.
| Claude Issorat défie Paris
Quelques années plus tard, au tout début des années 80, en France, un autre homme prépare sa propre révolution. Claude Issorat (photo de couverture), paraplégique depuis un accident de moto à 19 ans, rêve de dépasser les carcans auxquels on le condamne. En 1981, il se lance un défi : terminer le Marathon de Paris en fauteuil roulant. Lancé en 1976, la course est encore jeune. Claude doit convaincre les organisateurs de l’accepter. Le natif de Pointe-à-Pitre réussit à obtenir l’autorisation des officiels et le jour de la course, il s’élance avec les autres coureurs. Son fauteuil, bien que spécialement conçu, est loin des modèles modernes d’aujourd’hui. Mais Claude, qui deviendra dix ans plus tard une figure importante du sport français des années 90 (médaillé d’or aux Jeux paralympiques d’été de 1992 de Barcelone, médaillé d’or aux Jeux paralympiques d’été de 1996 à Atlanta…), a une force de caractère hors du commun.
Kilomètre après kilomètre, il progresse, déterminé à atteindre la ligne d’arrivée. Les rues de Paris, parfois pavés et souvent en montées, ne l’arrêtent pas. À l’arrivée, il franchit la ligne en 3 heures et 10 minutes, devenant ainsi le premier Français en fauteuil roulant à terminer un marathon. Cet exploit a marqué un tournant pour le sport adapté en France. Claude Issorat est devenu un symbole de courage et de persévérance, prouvant que le handicap n’est pas un obstacle à la performance sportive. Son succès a ouvert la voie à d’autres athlètes français.
Comme Bob Hall, Claude ne s’est pas contenté de participer à un marathon. Il a également milité pour une plus grande inclusion des athlètes handicapés dans les compétitions sportives. Mais pas seulement : retraité sportif depuis 2004 et depuis employé d’une grande entreprise français, il est aussi une voix qui compte pour une inclusion toujours plus importante du handicap en entreprise. Interrogé par Brut en septembre dernier, Claude Issorat y laisse transpirer toute son envie de transformer la société : “on peut toujours faire mieux. C’est comme dans le sport. On ne s’arrête pas une fois que l’on a gagné. Si on continue c’est toujours pour améliorer, améliorer, améliorer”. Respect.
Grâce à lui, le Marathon de Paris a progressivement intégré des catégories pour les fauteuils roulants, devenant l’une des courses les plus inclusives au monde. Claude Issorat reste aujourd’hui une figure qui a su transformer son handicap en force et en motivation. Son exploit de 1981 est encore célébré comme un moment clé de l’histoire du sport adapté en France. Il continue à partager sa passion en tant qu’entraineur. En 2024, aux Jeux de Paris, il accompagnait la délégation belge en tant que coach du sportif de l’athlète paralympique Maxime Carabin, référence de son sport.
Deux grandes personnalités du sport, qui inspirent et forcent le respect…