Le rappeur Rilès en « Survival Mode » pour sa course folle de 24h sur tapis

Explorer les limites de son corps et de son esprit, questionner la frontière floue entre obsession et persévérance, mais aussi entre contrôle et abandon. Le 8 et 9 février dernier, le rappeur Rilès a abordé ces thèmes autour du dépassement de soi, du temps, de la discipline et de la résilience à travers un défi hors norme. Le Rouennais de 29 ans a couru 24h non-stop sur un tapis roulant, après plusieurs années d’entraînement pour réussir. Coup marketing pour la sortie de son dernier album Survival Mode révélé le 10 janvier dernier, mais aussi œuvre visuelle et sonore pour prolonger l’univers de son album, Rilès Kacimi a choisi la course à pied comme moyen d’expression et… de survie.

| Une impressionnante course de 24h comme œuvre d’art

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Le rappeur Rilès, autodidacte qui produit et compose seul ses morceaux, s’impose depuis plusieurs années comme un artiste unique dans le paysage musical. Le 8 et 9 février, ce dernier a frappé très fort. Il l’avait annoncé sur ses réseaux sociaux, il l’a fait : se lancer dans une course sur tapis de 24h, sans pauses, sans musique. Le tout quelques semaines après la sortie de son dernier album Survival Mode, 5 ans après le précédent, se mettant lui même en « mode survie » et introspection.

Un tapis roulant installé dans une salle blanche, au cœur d’une arène en verre, sous une verrière de l’espace Commines dans le 3ème arrondissement de Paris. Pas de surplus en terme de décoration, seulement un chronomètre installé face au coureur, pour une décoration la plus épurée possible. Derrière le tapis, trois immenses scies circulaires impitoyables, où étaient inscrits des chiffres romains semblables à ceux d’une horloge. Ce dernier a donc couru dans cet espace à l’apparence presque chirurgicale pendant 24h et 3 minutes, pour un total de 205,22km, soit une allure de 7’02/km. L’évènement était ouvert au public et diffusé en direct sur Youtube et Tiktok, histoire de donner de la force à l’auteur de l’œuvre. L’artiste ne s’est jamais arrêté pendant 24 heures, pas même pour s’alimenter, s’hydrater ou uriner (son équipé le dissimulait derrière un drap noir au besoin.)

| 3 ans d’entraînement, des conseils des meilleurs ultra-coureurs, une volonté de fer

Le musicien s’est préparé avec assiduité pendant trois ans, en réalisant à plusieurs reprises des sessions de courses de 4h, 5h, 6h, 9h, toujours sur tapis roulant, sans dépasser les 12h. Le 1^er janvier 2025, le coureur a parcouru 100 km sur tapis en 9h24 (5’38/km), sans distraction et bien sûr sans s’arrêter. Le 24 janvier, l’artiste a de nouveau avalé 119 km en 12h11 (6’00/km), toujours sans pauses et dans le silence. Pendant cette préparation, l’artiste a incarné l’esprit de son album. Rilès s’est transformé physiquement, puisqu’il a perdu beaucoup de poids et s’est coupé les cheveux, alors même que ses cheveux longs étaient sa marque de fabrique. Un changement physique pour incarner un retour fulgurant dans le monde musical.

Le rappeur a su s’entourer des meilleurs. Ce dernier a obtenu de précieux conseils de la part d’ultra coureurs, à l’image du Lituanien Aleksandr Sorokin, recordman du monde des 100 km, des 6h, des 12h et des 24h, mais aussi de la Française Stéphanie Gicquel, récente recordwoman de France du 24h sur piste. Sans oublier Thomas Lepers (membre de l’équipe de France de 24h), Matthieu Bonne (multiple champion du monde du plus grand nombre de kilomètres parcourus en 6 jours à pied, mais aussi à vélo en 7 jours et de la plus longue traversée à la nage sans pauses), Nick Coury (ultra traileur) et du célèbre coureur d’ultrafond Yiannis Kouros.

Pour ses dernières semaines d’entraînement, ses courbes Strava sidérantes attestent de son engagement sans failles. Celles-ci étaient comprises entre 150 et 246 km par semaine pour le mois de décembre et de janvier par exemple, et la quasi totalité a été réalisée sur tapis. Ce qui représente entre 12h et 22h d’entraînement par semaine. Un volume hebdomadaire à faire pâlir d’envie les passionnés des kilomètres, même si l’artiste explique ne pas se considérer comme un athlète de haut niveau.

| Une métaphore de la condition humaine et une introspection très personnelle

Le chanteur s’est découvert une passion pour la course à pied, qu’il compte bien conserver comme mode de vie et comme le meilleur moyen de préserver sa santé mentale. Le lendemain de son « Survival Run », Rilès a remercié ses nouveaux followers Strava dans un message très humble : « Je ne m’attendais pas à autant de buzz de ces 24h, merci, je ne suis pas un athlète à suivre, d’autres sont bien meilleurs que moi. De retour avec mon emploi du temps habituel, je n’arrêterai jamais de courir, cela m’aide à penser et à faire face à mes démons » Depuis, le chanteur a délaissé la monotonie du tapis roulant pour se tourner vers des sorties longues de 20-30 km en extérieur. L’autodidacte a d’ailleurs expliqué au micro de l’émission Youtube The Code que ce mode survie incarne sa résilience et sa reconstruction face à des moments sombres de sa vie qui l’ont poussé à la tentative de suicide, plusieurs années auparavant. Rilès a finalement trouvé son équilibre dans la course à pied.

Cette performance artistique, philosophique et sportive incarne pour le chanteur « un symbole de la condition humaine contemporaine – une course perpétuelle où l’avancement n’est qu’une illusion. » Rilès a d’ailleurs choisi de tourner son clip du titre « Dead or Alive » quelques minutes seulement après avoir accompli son défi fou.

D’une part, le tapis est une métaphore de la course perpétuelle de la vie, et plus précisément de la condition contemporaine des humains, où avancer n’est finalement qu’une illusion. D’autre part, Les scies symbolisent « des pressions sociales et personnelles qui nous poussent à aller toujours plus loin malgré la fatigue, la douleur ou la peur » (citations issues du texte qui accompagnait le direct). L’artiste incarne lui-même l’esprit de son album, à travers la course à pied, pour tester sa capacité mentale à se surpasser physiquement dans une situation qui se rapproche de celle de la survie.

| Les dernières heures, insoutenables pour l’artiste

Vêtu de noir de la tête aux pieds avec l’inscription « Survival Mode » dans le dos, chaussé des New Balance Fresh Foam X More V4, le rappeur a terminé les pieds en sang, avec des engourdissements dans les mains et il a vomi. Mais jamais de quoi l’arrêter, même s’il a senti un malaise arriver au bout de 22 heures. Rilès a avoué que cet exploit a été plus dur que ce qu’il s’était imaginé, surtout à l’approche des dernières heures.

Ce dernier a publié sur Instagram deux photos de son visage, l’une avant son pari et la deuxième, édifiante, après. Le visage marqué par l’effort, il explique avoir perdu 4 kg pendant son exploit, ce qui représente entre 10 000 et 14 000 calories brûlées.

Grâce à cette œuvre qu’il qualifie de physique et d’artistique, le rappeur incarne lui-même l’esprit de son dernier album Survival Mode, c’est-à-dire le fait de se dépasser peu importe les difficultés, dans une société où nous cherchons le confort et fuyons les difficultés. Ce dernier questionne ainsi les notions de combat contre soi-même, de sortir de sa zone de confort, de résilience et des limites humaines physiques mais aussi psychologiques.