Coureurs vs robots : une course inédite au semi-marathon de Pékin

24/04/2025 13:49

Des robots qui courent un semi-marathon ? Non, ce n’est pas le scénario d’un Pixar chelou. C’est la vraie vie, et c’est arrivé en Chine lors du semi-marathon de Yizhuang, dans la banlieue sud-est de Pékin. 21 machines humanoïdes se sont lancés sur plus de 21 kilomètres, aux côtés de milliers de coureurs bien en chair et en sueur. Entre chutes en série, batteries à plat et finishs acrobatiques, le spectacle valait le détour. Les robots n’ont pas gagné, mais ils nous ont bien fait courir… dans le futur.


« Run Robot Run ». On pensait avoir tout vu dans le monde de la course à pied. Des participants qui courent en claquettes, des marathoniens déguisés en bananes géantes, Axel Ramponi en costume trois pièces sous les 2h50… mais non. La Chine a décidé d’aller un cran plus loin : faire courir des robots humanoïdes de 1,80 m pour 52 kilos sur un semi-marathon. Oui, des robots. Pas des suiveurs en trottinette électrique ou des drones caméras. Des bipèdes articulés qui ont tenté de boucler les 21 km et 97,5 mètres du semi-marathon de Yizhuang, dans la banlieue de Pékin, le 19 avril dernier. Programmé dans l’« E-Town », une zone de développement technologique de la capitale, c’était la toute première fois que ce genre de délire technologique se frottait à une épreuve aussi longue.

En vrai, pourquoi ils courent ?

Au-delà de l’effet vitrine, ce semi robotique était un énorme test. Pour la recherche en IA, pour les technologies de locomotion, pour la gestion de l’énergie et de l’équilibre dynamique. En gros : courir en ligne droite pendant 21 km, c’est un casse-tête pour une machine. Mais si on y arrive, alors les applications futures sont dingues : robots d’assistance en zone de catastrophe, exosquelettes intelligents, mobilité urbaine avancée… La course n’est qu’un prétexte. Mais un bon prétexte, parce que tout le monde ou presque comprend ce que c’est que de courir 21 bornes sans s’arrêter.

D’un côté, des robots et de l’autre, des humains affûtés

La symbolique est là : 21 robots au départ, 6 à l’arrivée. C’est peu. Mais c’est déjà énorme, quand on sait que la plupart d’entre eux n’avaient jamais couru plus de quelques centaines de mètres auparavant. Sur la start liste, c’était un drôle de casting : des robots plus ou moins lourds – jusqu’à 88 kilos pour les plus balèzes -, venus de toutes les provinces chinoises. Une course à deux vitesses : celle de l’autonomie… et celle du joystick. Ils ont couru sur une piste dédiée (pas fou non plus), accompagnés d’opérateurs humains prêts à intervenir en cas de chute, bug, panne ou besoin de recharge.

Sur le bitume, on a retrouvé un vrai défilé de styles : certains robots avançaient comme s’ils avaient “Marathon Man” dans leur carte mémoire, d’autres semblaient découvrir leurs jambes. La plupart prenaient leurs décisions seuls, calcul après calcul, pendant que d’autres attendaient sagement les ordres venus à distance. L’un a fini par se vautrer, puis s’est relevé tout seul, stoïque, genre “je vais bien, tout va bien”. Un autre, plus bodybuildé que les autres, a fait un détour imprévu pour aller dire bonjour à une barrière. Et pendant ce temps-là, les humains, eux, filmaient tout ça depuis leur couloir, mi-hilares, mi-hallucinés. Franchement, qui aurait cru que le semi deviendrait un théâtre de robot-comédie ?

1h01 contre 2h40 : avantage humain en chair et en os

Pendant ce temps-là, du côté humain, c’est allé beaucoup plus vite. Le Kényan Mutiso Kibet a bouclé la course en 1h01’10’’, pendant que la première femme, l’Éthiopienne Gelana Dida, terminait en 1h08’29’’. À des années-lumière du meilleur robot du jour. Cette machine bipède, justement, c’est Tiangong Ultra, une sorte de Boston Dynamics version chinoise. Il a bouclé les 21,1 km en 2h40, avec trois changements de batterie, une chute, et quelques réajustements manuels. Pour situer ce chrono, c’est le temps d’un coureur amateur bien entraîné, mais quand même loin derrière les standards élite.

« Courir sur une piste, cela peut sembler un petit pas pour un humain. Mais pour un robot humanoïde, c’est véritablement un bond énorme »

Liang Liang, directeur adjoint du comité de gestion de l’E-Town

Tang Jian, le directeur de la technologie au Centre pékinois d’innovation sur les robots humanoïdes, institution ayant fabriqué de A à Z le meilleur des robots participants, a déclaré à la presse être « très satisfait » avant de poursuivre : « Nous avions trois objectifs : remporter la première place, effectuer l’intégralité du semi-marathon avec un seul robot […] et boucler la course en moins de trois heures », a-t-il avoué. « Nous avions collecté des données de coureurs professionnels et avions entraîné le robot à adapter sa foulée, sa cadence, son amplitude de pas et sa posture pour se rapprocher au maximum de celle d’un sportif. » Jeudi dernier, lorsque Liang Liang déclare à l’AFP : « Courir sur une piste, cela peut sembler un petit pas pour un humain. Mais pour un robot humanoïde, c’est véritablement un bond énorme », le directeur adjoint du comité de gestion de l’E-Town ne se contente pas d’un bon mot. Il signe une formule calibrée, presque solennelle, qui place l’événement dans une perspective bien plus large que celle d’une simple démonstration sportive. Pour le meilleur et pour le sport.

Un petit comparatif pour se marrer (ou s’inquiéter)

CoureurTemps semi-marathonNationalité / Type
Jacob Kiplimo56’42 (record du monde)Ouganda / Humain turbo
Mutiso Kibet1h01’10Kenya / Gagnant 2025
Axel Ramponi (en costume)1h24* (estimation)France / Classe incarnée
Tiangong Ultra2h40Chine / Robocop
15 robots restantsDNFChine / Chaise de bureau tombée

Un vrai test technologique… mais pas encore un exploit sportif

Ce que l’événement révèle également, c’est que les robots humanoïdes commencent à courir pour de vrai. Ils ne marchent plus maladroitement en bégayant des phrases préprogrammées : ils trottinent, tombent, se relèvent, avancent. Mais pour le moment, ils ne sont pas autonomes. Il faut des opérateurs, des changements de batterie manuels, des interventions en cas de souci mécanique. Bref, ils n’ont pas encore “l’esprit de finish line”. Mais si on en rit aujourd’hui, on pourrait bien en parler autrement dans dix ans. La progression technologique est folle. Aujourd’hui, ces machines font un semi en 2h40 en surchauffant. Demain, elles pourraient bien courir un marathon en moins de 2h, l’utopie des marathoniens.

Bon, on peut se calmer tout de suite. Pour l’instant, les robots transpirent surtout par leurs circuits imprimés, et il leur faut un staff entier pour franchir une ligne d’arrivée. Mais ce semi de Yizhuang, c’est peut-être le tout début d’un grand virage : celui où l’endurance ne sera plus seulement une affaire de cœur, de cuisses et de mental, mais aussi de lignes de code et de lithium-ion.


Alors non, ils ne nous ont pas (encore) doublés, ces humanoïdes mécaniques. Mais ils sont là, sur la même ligne de départ, et ils avancent de plus en plus vite. Et si un jour, vous vous faites rattraper par un robot au kilomètre 19 du Marathon de Paris… dites-vous au moins qu’il ne vous piquera pas votre médaille Finisher au ravito. Du moins, pas encore.

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