Les types de coureurs que tu croises sur un marathon
16/02/2025 22:22Avec parfois plusieurs milliers de coureurs sur un marathon, c’est un véritable casting haut en couleur qui se présente sur la ligne de départ. Au-delà d’une course, le marathon est une aventure humaine qui réunit différents profils pendant 42,195 km. Nous parlons évidemment du coureur élite, des warriors de l’impossible ou encore du touriste qui s’est pointé sans aucune sortie d’entraînement. Tous les types de coureurs représentent un éco-système passionnant propre au marathon. Bref, si tu as déjà couru un marathon, tu es forcément tombé sur l’un d’eux, et si ce n’est pas le cas, c’est sans doute parce que tu es toi-même ce type de coureur.
L’étoile filante qui pète au 30e
Tu le repères rapidement au départ. Mollet saillant, outfit de haut niveau, chaussures avec les meilleures technologies. Tu le sais, ton voisin le sait, tout le monde le sait : il va faire un temps de malade. Évidemment, qui dit temps de malade dit allure de malade. Il est dans le même SAS que toi (oui oui, on parle bien du SAS de 4h30), mais ce type n’a rien à faire là puisqu’il est, je cite, “dans la forme de sa vie”. L’étoile filante, comme son nom l’indique, file. Évidemment, dès le 2e kilomètre, tu ne le vois plus. L’étoile brille, l’étoile file… Droit dans le mur. Et oui, l’étoile filante, tu la retrouveras au 30e kilomètre, en position latérale de sécurité et en négociation avec son âme pour terminer la course.
Le coureur en carton
D’apparence, on peut le confondre avec l’étoile filante. Plus tu t’approches du phénomène, oui avec cette dégaine-là, on parle bien d’un phénomène, plus tu te rends compte qu’il ne s’agit pas de l’étoile filante, mais du coureur en carton. Le coureur en carton brille au soleil tant son équipement est à la pointe de la technologie. Des pieds à la tête, c’est parti ! Les dernières chaussures carbone à 400€, car je cite : “Selon une étude, elles te font gagner 3 minutes au marathon”. Problème, quand tu les portes pour la première fois en course, ce qu’elles te font gagner, ce sont des ampoules et une tendinite. Les chaussettes de compression pour le style, car en vrai, personne ne sait à quoi ça sert et comment ça marche. Un textile ultra-technique, bien sûr assorti à ses chaussures carbone, histoire de donner l’illusion d’un sponsoring. Une montre GPS qui pourrait piloter un satellite, avec suivi de la VO2 max, calcul de l’oscillation verticale et analyse du karma. Une paire de lunettes supra light portée même en cas de mauvais temps. Enfin, une quantité astronomique de gels énergétiques. De quoi tenir un ultra, mais qui ne l’empêchera pas de finir en hypo km 27. Un équipement dernier cri pour la maudite somme de trois fois ton salaire, le tout pour finir en marchant. Bravo champion.
L’influenceur
Tu la vois venir, la publication Instagram de ce mec au départ qui prend absolument tout en vidéo ? Minimum trois réels de récap post-course. Il te faut l’équivalent de deux pauses déjeuner pour arriver au bout du compte-rendu. L’influenceur n’est pas ici pour courir un marathon. Non, il est au départ de ce marathon pour raconter une histoire inspirante. Il a des milliers d’abonnés (sans doute une petite centaine en réalité) et il partagera TOUTE sa course en live avec sa #communauté. Un conseil, écarte-toi de l’influenceur si tu ne veux pas péter un câble après 20 minutes de courses. Car oui, à chaque kilomètre, tu entendras sa douce voix : “Les amis, km 25, toujours en feu ! On lâche rien, l’objectif, c’est le kiff !”
Usain Bolt
Difficile de le repérer sur la ligne de départ ou le long du parcours. Usain Bolt est un coureur lambda, qui subit son marathon. Passé les 30 km, il alterne la marche-course, prend des pauses de 10 minutes à chaque ravito et pense même à appeler un Uber. Usain Bolt ne se révèle qu’en fin de course en réalité. Alors qu’il semble être à bout de force, lutter avec acharnement face à la douleur et à la fatigue, une force mystique s’empare de lui. Au loin, l’arche d’arrivée. La foule venue en masse pour encourager les survivants de la course acclame les coureurs. Le speaker crache dans son micro depuis plus de 4 heures pour motiver les troupes dans les derniers mètres. Usain Bolt se redresse. Usain Bolt allonge la foulée. Usain Bolt enclenche le turbo sans aucune raison. En l’espace d’un instant, il passe de « survivant du mur du 30e km » à « finaliste olympique du 100 mètres ». Il te double, sans un regard, sans un mot. Bolt lève les bras au passage de la ligne, et ça, c’est la cerise sur le gâteau.
L’élite (celui que tu ne croises donc jamais)
Qu’on se le dise, tu ne le croiseras qu’une fois. À ce moment-là, il descendra du podium quand toi, tu essayeras de récupérer une forme d’énergie pour te relever de l’aire d’arrivée. Il sera douché, aura fait ses 10 km cool en récup (plus rapide que ton allure course évidemment) et aura répondu aux dizaines de questions posées par la presse internationale. Le vainqueur du jour mentionnera également qu’il s’agissait d’une dernière course de préparation avant les Jeux olympiques. Puis, il repartira en direction de l’aéroport. Demain, début d’un stage de 4 semaines à Iten au Kenya.
Le vétéran increvable
ll est là, tranquille, les mêmes chaussures que lors de son premier marathon il y a maintenant… 40 ans. Pas d’équipement superflu, pas d’échauffement ou simplement quelques mobilités. Le short et le tee-shirt (qui n’ont plus de couleur à force de prendre le soleil) ont probablement plus d’expérience que toi sur marathon. C’est dimanche, Michel, 65 ans est là pour sa balade dominicale. Évidemment, en tant que coureurs de 34 ans, ton objectif a évolué depuis que tu as aperçu Michel dans ton SAS de départ. Passer la ligne avant lui. Si dans les premiers kilomètres, tu peines à trouver ton souffle et à réguler l’allure, Michel lui, reste tranquille. Bouche mi-ouverte, posture décontractée, “à l’économie” comme il dit. Quand tu prends le mur du 30e, Michel papote avec les bénévoles : “Ah, les marathons d’aujourd’hui, c’est plus comme avant ! Dans les années 80, y’avait un seul ravito, et c’était du vin rouge ! ” La suite est une véritable leçon d’humilité. Quand tu penses que Michel commence à fatiguer, c’est absolument faux. Non seulement l’ancien ne ralentit pas, mais il accélère. À l’arrivée, il t’avouera trottiner de temps en temps pendant que toi, tu as suivi un entraînement militaire pendant 12 semaines. Oui, Michel est increvable.
Le moulin à paroles
S’il y a bien un coureur qui n’a pas la notion d’effort, c’est lui. Pendant que les trois-quarts du peloton sont à la lutte pour venir à bout de ce marathon, le moulin à paroles débite. Dans la masse, tu l’entends avant de le voir. Pendant que tu essayes désespérément de gérer ton souffle, le moulin à paroles est en pleine conférence sur son dernier voyage en Tanzanie. Pendant 42,195 km, tu auras l’intégralité de son voyage passé en Afrique. À plusieurs reprises, tu tentes de répondre en montrant des signes de faiblesse. Il ne capte aucun de tes signaux de détresse et enchaîne : “Tu es déjà parti en Afrique toi ? Non parce que moi, figure-toi que…” et c’est reparti pour un tour. On ne t’apprendra rien en t’avouant qu’il ne s’arrêtera jamais. Bouquet final quand, à l’arrivée, il te lâche un : « C’était trop cool ce marathon ensemble ! On remet ça bientôt ?”.
L’éternel blessé
La liste est longue, voire interminable. Oui oui, on parle bien de la liste de ses pépins physiques des six derniers mois. Contracture qui traîne depuis plusieurs semaines, la tendinite survenue à la suite d’un fractionné, dos en vrac… Chaque muscle y passe. Bref, il n’aurait jamais dû être là et il est au bord du forfait, mais il tente quand même. Bien sûr, tu fais preuve de compassion “Waouh… Respect et prends soin de toi quand même !”. Repérable à ses fameuses bandes multicolores collées un peu partout sur ses jambes. On ne sait plus si c’est jour de carnaval ou le marathon de l’année. Tu prends le départ avec lui, sauf que tu ne pensais pas le voir, la foulée encore légère au 10e kilomètre. Au 15e, il accélère jusqu’à te distancer et te perdre de vue au 25e. Il t’attendra à l’arrivée en te disant que “finalement, c’est passé et record perso à la clé !”. Escroc.
L’évadé du SAS élite
Il est là notre champion. Regard déterminé, il trône tout devant au milieu des (vrais) élites. On pourrait croire qu’il joue dans la cour des grands, mais toi, tu sais. Son numéro de dossard à 4 chiffres le confirme : il n’a rien à faire là. Erreur lors de l’inscription, coup de poker audacieux, excès de confiance, on ne sait pas pourquoi il a atterri dans ce SAS. Le coup de pistolet retentit, les élites s’élancent à une vitesse folle. L’évadé du SAS élite tente de suivre, tentative qui prendra fin après 500 m. Le teint de son visage change très rapidement. Il devient vite rouge puis vire au blanc après quelques kilomètres. Les élites, eux, ne sont plus à portée de vue depuis un moment. Il doit ralentir, se faire dépasser, ralentir encore et encore. Logique quand tu t’es mis dans le rouge foncé dès le départ. À cet instant, il n’est plus un élite, il est notre champion du monde de la connerie. L’année prochaine, il visera un SAS plus adapté… Enfin, on espère.
Le coureur pieds nus
Pas besoin de beaucoup développer sur celui-ci. Repérable au premier coup d’œil dans le peloton, puisqu’il a décidé, pour on ne sait quelle raison, de courir pieds nus. On est sur un type de coureurs très minimaliste. Débardeur léger, short flottant, éventuellement une casquette en cas de (très) fortes chaleurs. Gels, boisson, eau, montre GPS, non non, rien de tout ça. Le pire, c’est que le type avance plus vite que toi et tes chaussures carbone achetées un SMIC.
Toi
Peut-être qu’aujourd’hui, tu ne te reconnais pas dans ces types de coureurs ou bien que tu coches un peu toutes les cases. Bref, tu es sans doute le galérien comme tout le monde finalement.